L’AMOUR! Quelle meilleure réponse pouvais-je trouver? Mais peut-être était-il nécessaire pour moi de traverser des déserts, de persévérer dans l’effort, de souffrir parfois de la solitude, de la soif et de la faim, pour que jaillisse du plus profond de mon être cette évidence. 

Alors, puisque toute la puissance du monde semble être contenue dans ces cinq lettres magiques, j’ai décidé de les écrire en grand en travers de la France avec mon vélo.

Une page d’écriture de plusieurs milliers de kilomètres; un geste gratuit, comme l’amour, juste pour le plaisir d’offrir, de partager, sans rien attendre en retour.  

J’ai commencé ma lettre en bon élève appliqué en empruntant des petites routes pour former les lettres a,m,o,u,r, en minuscules. Pas de faute surtout! Pas de «bla-bla» non plus. Le travail d’écriture demande à être clair et précis, je suis donc allé à l’essentiel.

Le «a» couvrit la région Aquitaine, puis j’ai attaqué le «m». Un dur morceau le «m». Il m’obligea à descendre et à monter le long de ses trois jambes.

Que pouvais-je répondre aux gens me voyant passer pour la seconde fois?

Que je poursuivais l’amour? 

   Probablement n’ont-ils rien vu du bord de la route. Car pour lire ma page d’écriture, ils faut prendre de l’altitude, élever sa conscience si nécessaire.

Un parcours totalement absurde pour celles et ceux qui ont ôté toute parcelle de rêve et de poésie de leurs existences. Il faut en effet être sacrément rêveur pour entreprendre de telles boucles à la seule force des mollets. Près de 4000 km d’écriture! Une telle débauche d’énergie sert à quoi après tout? J’aurais pu parler d’amour en restant assis chez moi plutôt que de m'échiner à gravir les pentes abruptes du Massif Central, du Jura, et autre coin vallonné du parcours. Et cela n’aurait pas été totalement faux si ce parcours très particulier avait été seulement une randonnée cycliste. Une de plus. Elle aurait eu son originalité (mémoire de vieux cyclo-routard, personne n’a encore écrit avec son vélo!), mais n’aurait pas eu ce supplément d’âme que je voulu  y glisser. 

Ce parcours fut une prière. Ma prière offerte à l’humanité. À l’image d’un moine tibétain tournant inlassablement son moulin à prières, j’ai moi aussi tourné les pédales, faisant ainsi vibrer les syllabes du mot «Amour» sur les plus hautes fréquences spirituelles que le petit être en devenir dans lequel je gesticule depuis un demi-siècle, puisse atteindre.

Une prière...des jambes, mais surtout du coeur! Car l’efficacité de la prière est là, dans cet organe central du corps humain, dans cette énergie cardiaque, clé de l’évolution humaine.

 

    J’ai eu tout le temps de méditer en faisant la boucle du «o» avant de poursuivre sur les deux dernières lettres. Apposer un point final rendu au terme de mon écrit? Certainement pas. L’amour n’a pas de fin. Mais peut-on trouver le véritable amour ici bas? L’effleurer au cours d’une brève existence humaine est peut-être déjà une grâce! 

L’Amour, le vrai, est hors de notre entendement. Que pouvons-nous faire sinon apprendre à s’en approcher un peu... 

          «Vivre, c’est apprendre à aimer!» disait l’abbé Pierre. 

Vendredi 8 Octobre 2010. C’est le retour. Un jour chargé d’une émotion toute particulière, car il représente non seulement la fin d’un voyage mais également la fin d’une étape, une grosse étape de six années de vagabondage sur deux roues autour de la Terre, la fin de mes voyages à vélo. 

100 000 bornes! s’exclame Fidèle. 

Assez posé mes pneus sur les bitumes et pistes du monde. Maintenant...je prends ma retraite! Mais tu peux continuer sans moi, ajoute-t-elle...

Alors oui, je poursuivrai ma route sans ma Fidèle compagne d’acier. Mais que de souvenirs durant ces 6 années de voyage!                  Voir l'album photo